dimanche 20 octobre
Le petit déj est parsemé de chameliers à la recherche de l'âme sœur : leurs chameaux ont divagué la nuit pour se nourrir, eux
divaguent le matin pour les retrouver. On reprend la marche en même temps que la caravane. On suit alors une grande vallée vers
le Sud-Est le long de l'
oued Baouet.
Au bout d'un long moment, Warta va demander sa piste à une nouvelle caravane : pour ne pas la ralentir, il double, se gare, et
emboîte le pas du Madigou qui avance à fière allure. Ils discutent sur un bon kilomètre en gesticulant, puis Warta remercie,
salut, et revient à la voiture. Retour arrière. On a raté l'
oued Tagora qui partait à
l'Ouest.
Effectivement, on retrouve rapidement quelques traces de pneus. On tire trop au Sud, et nous voilà re-perdus. On remonte un oued
au milieu duquel on trouve ... une caravane pour
Bilma. Tout l'
Aïr
se rassemble à cette saison pour la Tarmlat, caravane de sel sur
Bilma.
Par petits groupes de 10 ou 20, ils se réunissent pour former des groupes jusqu'à 1 000 bêtes, et font alors 700km en 15 jours
jusqu'à
Bilma, puis autant pour le retour. Ils se séparent alors, et les meilleures bêtes
continuent le périple jusqu'au Sud pour vendre leur sel. Ceux-ci sont au chargement à 10h du matin, ce qui est très tardif. Ils
nous montrent une vipère à corne qu'ils viennent de tuer. Belles photos de bêtes qui râlent sous la charge. (sadique !)
On s'enfile alors dans des wadis sauvages où vivent quelques familles. Notre approche les perturbent, car les hommes viennent de
partir pour
Bilma, et il ne reste que quelques femmes apeurées qui nous prennent pour des
pillards.
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Le wadi que l'on suit se rétrécit, on passe au bord d'un puits cimenté, et ça se termine en cul de sac. Il n'y a pas long à
sauter, mais il faudrait sauter : ça ne se fait pas. Recul. Warta retourne aux campements, ce qui les inquiète encore plus.
Tentative plus au Nord. La montée est belle, la gorge se rétrécit, (la nôtre aussi ...), mais il reste des milliers de traces de
chameaux : ils tournent rarement en rond.
La Passe est belle, comme toutes celles que l'on a désirées. Le panorama est beau, on voit le
Bagzane au fond à 35km, mais la ligne droite est encombrée de cailloux infâmes, il faudra faire
un grand arc de cercle. Warta un peu découragé, tente de m'envoyer devant. Je lui ai parlé de mes photos satellites, et là il
voudrait bien voir à quoi ça sert. Peine perdue, je me courbe devant le Guide...
On passe le reste de la matinée à chercher une ombre pour le piquenique. De guerre las, on vise un acacia aussi ventru qu'un
lampadaire, on mange en s'abritant les pieds sous la table, et peu après nous sommes dans l'
oued Affassas
avec une bordure continue d'acacias majestueux. À croire qu'ils ont poussé pendant le repas !
Le fond de l'oued est bien mou, et il faut chatouiller les machines : évidement 3 Toys contre 3 Lands ça donne des idées : on se
retrouve à fond les ballons à se couper les traces comme des caluts. Yves et Pascal s'empoignent, et c'est Pascal qui disparaît
au loin. Warta nous courre après en criant ce n'est pas là, ce n'est pas là ! On a raté la sortie de plusieurs km. Ça ne fait
rien, c'est plein de jardins des 2 côtés, et c'est très très beau.
Hésitations pour approcher le
Bagzane. On se perd au Sud-Ouest dans des mous pénibles, pour
éviter les cailloux et les arbustes. Warta tombe en panne sèche. Personne ne se précipite car la prochaine pompe est à
Agadez. Je m'y colle en démontant une partie de mon installation, ce qui ne me plait guère. On
repart, et 2 mn plus loin Warta crève. Ça le casse, il voit le bénéf qui fout le camp.
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Un peu plus loin, on passe vers une case que le feu a détruite hier soir. La femme est totalement désemparée. Et nous aussi.
Posséder si peu, et en plus le perdre, c'est injuste !
On arrive enfin à
Télouès, au pied du
Bagzane. Warta discute
avec le tôlier du coin, et revient nous dire que les chameaux ne sont pas au rendez-vous. Il va chercher une solution. Son
chamelier s'est trompé de date, et est reparti. Il nous trouve 2 chameliers prêts avec 5 chameaux, et ajoute un 3ème gars plus
près du chasse-touriste que du chamelier, et qui s'avère bavard comme une pie et encore moins efficace.
Bien que j'aie pris toutes les précautions pour annoncer longtemps à l'avance que nous passerions 2 ou 3 jours à pied sur le
Bagzane, l'enthousiasme n'est pas réparti de manière égale. Pour faire simple, les 3 Lands sont
ravis et fin excités, et les autres sont de tièdes à froids.
Michèle, qui a tous les symptômes d'une forte dépression depuis le départ (ou avant) est officiellement fatiguée et ne vient pas
du tout. Yves, vient pour voir, mais ne prend ni équipement ni nourriture, affichant clairement son intention de ne passer
qu'une journée en haut, mais pas de nuit. Raymond vient pour voir, il dira en haut s'il continue, et Papé fait de même.
Warta cache très bien sa déception de rester en bas pour garder les voitures, et nous délègue Araly. Même pas grave, la vie est
belle ! Nuit tranquille, dans un coin splendide, après un coucher de soleil d'anthologie.
lundi 21 octobre
Décidément, le lever de soleil est lui aussi d'anthologie. Les photos paraissent irréelles à ceux qui n'y étaient pas. Départ
laborieux. La mise en route est très pénible. Les chameliers sont venus les mains dans les poches, et se grattent la tête
(toujours les mains dans les poches) pour savoir comment charger les chameaux.
Il faut leur passer des cordes, et ils attachent tous les objets un par un, pendus comme des tresses sur un crâne à la façon des
camions qui traversent le désert, disparaissant sous une charge qui déborde de pendouilles de tout côté.
Les matelas leur posent de gros problèmes, et ils défont et refond tout plusieurs fois. Marylène prépare un beau sac jaune avec
des habits chauds, il n'en reste plus qu'un souvenir en vidéo, car le sac s'est volatilisé..., Nos 2 matelas serviront de
protection pour les chameaux et reviendrons totalement souillés, inutilisables. Le faux chamelier nous saoule avec son baratin.
C'est l'aventure qui commence...
Marylène s'installe sur sa bête, et en route, mauvaise troupe. Les premiers 500m de faux plat sont encombrés de petites pierres,
assez faciles, mais ensuite le terrain s'apparente plus à une moraine toute en gros blocs de granit de formes arrondies. les
petits blocs nous arrivent au mollet, et les gros ont la taille de maison, parfois à étage. La gorge est rectiligne, de pente
assez douce mais avec ressauts, elle monte de 515m sur une longueur de 7km.
On ne sait pas du tout comment on va se comporter par cette chaleur importante. On doit trouver de l'eau en route, car cette
gorge s'appelle
Ighalablabène, ce qui veut dire à peu près "le bruit de l'eau qui coule" en
tamacheq. La montée est finalement assez cool, et ce sont les chameaux qui traînent car le terrain n'est vraiment pas facile.
Marylène est régulièrement recoiffée à travers sa casquette par les épines des nombreux acacias du parcours.
On trouve assez rapidement des mares dans les enclos rocheux, l'eau y est verte pale, stagnante, pas très tentante. Christian,
puis Pascal se font coller chacun un chameau de bat, et les tiennent en laisse d'un air très professionnel. Ils ont déjà plus de
métier que l'artiste en vert qui continue à nous saouler...
On croise de nombreux troupeaux d'ânes et de chameaux chargés de sac d'oignons. Toutes ces charges sont regroupées en bas dans
des camions quotidiens qui partent à
Agadez où ils ont un très grand succès.
Aux 2/3 de la montée, nous arrivons dans les jardins
d'Ighalablabène.
Ce coin est somptueux, les palmiers disputent la place à quelques citronniers qui s'étalent sur les terrasses presque plates,
avec par endroits quelques flaques d'une herbe courte et verte. 2 falaises de granit lisse et vertical d'au moins 100m. bordent
la scène. La roche est brun rouge, comme la protogine des aiguilles de Cham, avec quelques traces noires cependant, et contraste
avec la terre du jardin, bien sombre comme de l'humus, la paille des champs alentour, et les palmes bien vertes qui se découpent
dans un ciel bien bleu. Oh là là, les pauvres photographes ! Le ruisseau serpente en chantonnant d'un air distrait.
Un peu plus haut, j'entends l'eau qui coule sous les blocs, comme dans les rimayes à la fonte des neiges, fraîcheur en moins.
Je suis prêt à tout pour voir ça de près, je quitte le chemin et me retrouve dans une jungle basse mais terrible, pleine
d'épines de 10cm. J'atterri à grand peine dans une baignoire d'eau courante, complètement dissimulée dans les branches. Je ne
résiste pas plus longtemps que le temps de quitter tous mes habits.
Quel délice ! En rentrant dans l'eau, la sensation est telle que je me dis que je vais rester là plusieurs jours. Il y a des
blocs pour s'asseoir, d'autres pour accueillir le dos, tout est protégé par de la mousse, si vous passez là, ne la manquez pas
!
À peine plus haut, Araly nous trouve un coin ombragé pour le piquenique, avec un petit filet d'eau de 10cm dans lequel Christian
se couche sur le dos en remuant les pattes tournées au ciel. Je ne vous dis même pas comme les 3 thés ont été appréciés après le
repas !
C'est juste dans ces parages que nous avons découvert les bergères du Bagzane. Au début, très farouches, inaccessibles, puis
apprivoisée lentement, comme le fennec du Petit Prince. Elles nous ont montré pour finir qu'elles suivent les mêmes règles que
toutes les filles de la terre devant le pèloto : La fuite, l'observation distante, la curiosité, le refus, le regret, les mines
de rien, la surveillance en coin, la remise en place furtive des cheveux, le sourire ravageur qui déstabilise le photographe, la
fuite précipité pendant qu'il s'encouble dans ses boutons, tout ça juste pour qu'il regrette éternellement toutes ces images
qu'il n'a pas su immortaliser...
En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, les 3 chauffeurs de lands sont éparpillés dans le décor, le souffle court,
cherchant les mots pour décrire aux 2 autres ce qu'ils n'ont forcément pas pu voir. Je nous revois au pied d'un gros bloc sur
lequel s'était juché une fille en train de tresser sa vannerie avec un sourire d'ange, et nous en train de donner l'assaut
d'abord à ce bloc vraiment pas commode, puis ensuite en équilibre instable à 3 sur la même arrête, courbés en tous sens pour
améliorer le cadrage...
Encore un petit effort et c'est l'arrivée à
Akoudédé. L'arrivée au paradis de Saint Pierre, sans
Saint Pierre pour éviter de se faire refouler pour un vulgaire délit de faciès.
Tout est calme et serein : notre souffle d'abord qui redevient normal, l'horizon qui s'élargit mais sans devenir plat, la terre
qui réapparait après ces heures passées dans les cailloux, le terrain qui redevient lisse après toutes ces pentes, des maisons
qui annoncent l'hospitalité des habitants, les gros blocs qui ne sont plus suspendus sur nos têtes, mais éparpillés tout
alentour.
On traverse lentement le village pour s'installer à la sortie dans un recoin splendide. C'est la joie simple de l'étape. Les
chameaux sont déchargés, les matelas installés en carré, des tapis et couvertures autour.
On quitte les chaussures, on s'allonge, on discute, on rigole. On retrouve chacun nos petites affaires. La lumière de fin
d'après midi magnifie tout ce qu'elle touche, et ici au sommet de la montagne, c'est simple, elle touche tout !
Il nous reste du temps pour la visite des jardins. Un des chameliers est fils du pays, ce qui facilite les choses. Un puits est
creusé en pleine terre, avec quelques étais en bois. L'eau est à 10m, ce qui surprend un peu quand on se sent en haut d'une
montagne. Les jardins sont couverts d'oignons, mais aussi d'agrumes et de céréales. Des femmes sont en train de vanner en plein
contre-jour.
Comme si la journée n'avait pas été assez bien remplie, à l'apéro Christian nous offre le champagne dans des flutes cristal
sorties du sac. Heureusement que ce sac-là n'a pas été perdu ! Par contre Yves n'a rien dans son sac, pas d'habit, pas de
couchage, pas de bouffe... On compense avec les moyens du bord, mais il aura froid la nuit et sera incommodé.
mardi 22 octobre
Au matin, les décisions sont prises : les Lands continuent, les Toys redescendent. Dispute entre chameliers pour désigner celui
qui redescend avec un chameau et les autres : c'est le chasse touriste qui se fait éjecter.
Trop balèze ! Dès le départ, l'enchantement se réinstalle. On passe de cuvette en cuvette par des passages marqués de ces gros
blocs si caractéristiques du
Bagzane. C'est un mélange subtil entre intimité et splendeur. On
visite des jardins, on détaille l'astuce du délou auto verseur, on s'égare un peu.
On rencontre une famille dont la femme nous redéroule le jeu éternel de la fille et du pèloto. Elle a un très beau sourire ...
et de beaux œufs ! Araly qui trouve qu'on n'est pas encore assez fous, propose d'acheter les œufs et les poules qui vont
avec.
Marché conclu. On attache 2 coqs vivants (pour remplacer le frigo absent) par les pattes à la selle de Marylène qui du coup est
encore plus gaîte. Les œufs seront emballés dans des boites et couverts de sable.
On longe un gros oued qui part à l'Ouest, et on débouche dans la grande plaine de
Bagzane-Namas.
Visite à des jardiniers qui sont hyper fiers d'être pris en photos, et qui improvisent pour cela une mise en scène champêtre
avec présentation du maïs qui honorerait les studios De Jongue.
C'est l'heure de la pause, et nos guides nous trouvent un acacias en parasol que je n'ose même plus décrire comme formidable,
tant j'ai l'impression d'avoir usé ce mot jusqu'à la corde.
En 2 secondes le camp est dressé, les matelas en carré, les sacs suspendus aux arbres. On se déchausse, on s'allonge, on rêve à
l'ombre ... 3 jolies petites filles se présentent, timides, silencieuses, avec du bois sec pour le feu en guise de bienvenue.
Quelle scène, j'ai l'impression de vivre un passage de la bible.
Que faire pour leur rendre la même émotion ? Les pèlotos reprennent du service, ce qui attire la mère, puis toute la famille,
qui repart pour mettre ses plus beaux habits. La sympathie est instantanée et réciproque, les sourires illuminent tout jusqu'au
fond des yeux, Araly se laisse gagner et nous dira plus tard qu'il reviendra se marier là. Quelle belle tranche de vie !
Du coup avec ce somptueux cadeau, Araly et les chameliers cuisinent sur feu de bois une soupe-ragoût Touarègue qui nous torture
les papilles. Ah quelles épreuves n'aura-t-on pas subit sur ce
Bagzane.
Après avoir rongé nos boites (les Lands sont restés en bas), petite sieste réparatrice. Puis Araly nous propose doucement la
visite du village. On se chausse, on sort de l'ombre, et on entre dans
Bagzane Namas. Belle
école aux couleurs locale, ocre et bleu clair. Une pancarte remercie je ne sais quel sous-secrétaire d'avoir participé à
l'inauguration. Le traditionnel moulin à farine lance son tchouck tchouk pour appeler les retardatrices.
Les femmes amènent le grain en seau, et repartent avec de la farine pour 1 ou 2 jours. La meule est en acier, activée par un
moteur diesel de 200kg qui tourne très lentement, genre 100 tour/minute, faisant un bruit très particulier. Le meunier est plus
proche du graisseur de la marine à vapeur que du meunier de nos vieux moulins à vent, mais la farine est fine et blanche.
Retour au camp où les chameliers font la sieste. Chargement. Je me laisse embarquer sur le chameau. Dès le redressement de la
bête, je manque d'être scalpé par l'acacia qui nous faisait de l'ombre. Je découvre avec horreur l'inconfort de la selle
Touareg. J'ai dans l'entre-jambe une grosse bite - pas d'autre mot - qui m'empêche de basculer en avant en écrasant tout le
matériel que je préserve à cet endroit-là depuis des années.
Evidemment, les autres qui ont déjà essayé sont morts de rire, et prennent régulièrement des nouvelles. Peu à peu, j'arrive à me
détendre quand même, et à me laisser bercer par ce trop célèbre vaisseau du désert. Nous continuons notre boucle autour du
volcan
Izzeguerit. Mon chameau semble connaitre par cœur ce parcours, et choisit lui-même son
trajet.
On sème le reste de l'équipe, et il reste 2 bêtes au moment d'abandonner le chemin. On descend au fond d'une cuvette qui a été
habitée, et dans laquelle subsistent quelques ruines et de nombreux acacias. On attend les autres qui ne réapparaissent pas. Je
fini par me laisser glisser en bas, car je suis immobile en plein soleil, et il y a beaucoup de belles choses à voir.
Après plus d'une heure, les autres nous rattrapent et on se choisit un bivouac... somptueux (je n'ose plus employer ce mot, vous
allez croire que bégaie). De gros blocs de granit de toutes formes envahissent le paysage pour aggraver le désespoir du
photographe obligé de compter le niveau des batteries et la taille de sa carte mémoire !
Nous faisons route depuis midi avec un jeune cycliste d'environ 10 ans. Nous l'avons rencontré à
Namas, où sa mère l'a envoyé chercher des médicaments, et il est rapidement devenu notre
mascotte. Les épines d'acacias lui jouent des tours, il a déjà crevé 2 fois, et réparé autant.
Il est parfaitement autonome dans ce terrain. Nos chameliers l'on pris en affection, et il choisit de passer le bivouac avec
nous. Nous sommes éberlués de son autonomie, et avons peur que ses parents s'inquiètent. C'est lui qui nous rassure.
Le coucher de soleil se transforme en spectacle, et on sieste mollement sur nos matelas éparpillés sur de gros blocs ronds. Les
poulets passent à la casserole hélas pour eux au sens propre. L'infatigable Araly s'occupe de tout. L'apéro nous tombe dessus
sans crier gare, et anime la discussion philosophique commencée sur l'avenir de notre cycliste du
Bagzane, comparé à celui qu'il aurait eu en naissant à
Saint-Pourçain sur Sioule. (Franchement, moi j'aurais choisi le Bagzane, faut pas déconner
...).
Les coqs se sont bien défendus, on a failli perdre les dents. On n'a pas retrouvé les étiquettes, mais ils sont garantis 0% de
matières grasses, les choupettes peuvent se goinfrer sans être condamnées à se racheter une garde-robe. Il y a un réel déficit
entre les calories absorbées et celles qu'il faut dépenser pour la mastication. Nuit à l'hôtel des mille étoiles.
mercredi 23 octobre
⏯️
⏯️
J'ai eu cette nuit le rêve traditionnel du montagnard qui escalade la plus belle montagne, et ce matin, j'accomplis ce rêve.
Mais quel supplice de faire ça en économisant ses photos. La vue est évidement superbe, et on découvre l'étendue de ce
Bagzane.
On voit le bivouac d'en haut, tout petit. On voit qu'il manque 2 chameaux et un chamelier parti à leur recherche. Ça nous laisse
le temps de rêvasser, et de descendre tranquillement. Bien après notre retour, le chamelier réapparait : il a fait une partie de
la descente d'
Ighalablabène avant de remettre la main sur le fuyard qui rentrait chez lui tout
simplement.
Paquetage, Christian accompagne Marylène sur un chameau, et je divague dans la plaine avec mon pèloto, rejouant la scène
éternelle du photographe qui rencontre une choupette, et qui se font réciproquement toutes leurs mines pour qu'elle accepte
l'immortalisation.
On passe en coup de vent à
Akoudédé, on se laisse glisser dans la pente, on se laisse séduire
par le murmure d'
Ighalablabène, on court un peu après les bergères, on caresse un petit coup les
baignoires, et on retrouve les copains un peu éteints après cette attente. On essaie de leur communiquer nos émerveillements,
mais c'est mission impossible.
Raymond nous raconte sa tornade : un fameux coup de vent a soulevé sa tente de 100m en l'air en tourbillonnant. Comme tout était
ouvert, tout le contenu a été éparpillé dans la pampa, et les gamins lui ont ramenés un par un tous ses effets, contre le
sempiternel bakchich. On dort sur place pour digérer nos aventures, ce qui ne remporte pas spontanément l'adhésion de ceux qui
n'ont absolument rien à digérer.
jeudi 24 octobre
⏯️
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Départ pour
Tabelot. On trouve un petit marché et je suggère à Warta d'acheter un méchoui.
Aussitôt dit, aussitôt fait. On visite la région d'
Abardokh. Puis en passant à côté d'un terrain
ravagé et stérile, Warta nous explique le scandale des projets de certaines ONG : l'une d'elles a imaginé transposer là la
technique que les gens des
Açores emploient pour procurer un peu d'eau de condensation à leurs
vignes.
Ils ont recueilli des fonds, ont acheté quelques 4x4 rutilants, ont embauché des gens pour creuser les demis lunes des vignobles
des Açores bien orientées au vent, ils ont planté quelque chose, et tout a crevé. Ils ont découvert que la condensation de l'eau
n'est pas aussi importante au milieu de l'Afrique que sur les iles de l'Atlantique.
Après cette grande découverte, le projet est arrivé à échéance, et ils ont disparus, laissant quelques Nigériens goguenards, et
quelques Européens ravis de cette généreuse assistance qui distingue si bien les gens éduqués.
Arrêt piquenique dans un oued. À peine installés, les visiteurs arrivent. Nous sommes juste à côté d'un village de tailleurs de
pierres de savon pour les touristes d'Agadez. La discussion s'anime, les marchands s'installent. Une visite du village est
improvisée.
Peu après, on bifurque vers
Dabaga. La végétation est luxuriante le long de l'
oued Assa, puis disparait quasi complètement peu après. Le soleil se couche en plein pare-brise. On continue jusqu'à l'
oued Tidène, pays natal de Warta et de son neveu Mano Dayak. D'ailleurs il a gardé des jardins ici qu'il loue à des cultivateurs. Méchoui
délicieux préparé par Araly. Rigolade avec quelques jeunes.
vendredi 25 octobre
En partant le matin, on ravitaille à un puits, et on dérange avec nos pèlotos une cousine de Warta. Visite de l'école de
Tidène et juste à côté de la tombe de Mano Dayak.
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On repart pour
Tafadeck, centre balnéo connu de tout le monde arabe qui vient en cure ici. Une
source (trop !) chaude alimente deux petits bassins de la taille d'un homme, couverte d'une cabane pour préserver l'intimité. Un
homme de peine vide et rempli la cuve entre chaque baigneur (euse), et si nécessaire fournit le massage.
Séance d'une demi-heure environ. On se tâte, et finalement tous les mâles y vont ensemble. Franche rigolade, on sort de là comme
des homards, et complètement cassés. piquenique dans l'oasis. Nous décidons de payer Warta avant d'arriver à
Agadez, et la quête et le comptage des billets sont confiés à Christian qui se régale de brasser
tout ça, encore que si ça avait été en francs Pinay, quel pied on se serait pris !
C'est ici que Martine situe l'épisode idiot de la dispute de Raymond et Marylène. Toujours prompte à faire part de ce qui lui
passe par la tête, celle-ci aurait dit à celui-là qu'avec la tête de malfaiteur qu'il avait, il ne fallait pas s'étonner...".
Raymond a alors piqué du nez et n'a rien rajouté.
Mais le lendemain à l'aube, après une longue révision nocturne, il l'a violement interpelée disant s'être senti insulté. Ni les
excuses et ni les pleurs de Marylène n'y ont rien fait : les choses étaient dès lors consommées. Le temps passé depuis n'a eu
pour effet que d'équilibrer l'inimitié de ces 3-là, Christian ayant pris parti. Évidemment le groupe n'est pas resté
indifférent, et le pointillé qui distinguait les Toys des Lands en a été renforcé.
On s'échappe par un raccourçi foireux de Warta qui nous permet de zigzaguer avant de rejoindre le goudron d'
Agadez
à
Arlit. Warta crève encore une fois, sans doute pour qu'Araly ne perde pas le rythme. Warta,
après discussion avec Raïcha, décide de traverser
Agadez sans s'arrêter, et nous conduit
directement dans l'
oued Téloua où nous pourrons bivouaquer. Il s'encouble dans les fourrés, ce
qui nous parait bizarre pour un gars du coin.
On débarque dans l'oued pile sur le bar que Raïcha, Ibrahim, Rabidine et tous les autres ont dressé pour nous. Hallucinant, la
surprise est totale, et la joie se lit sur tous les visages. Le temps de saisir les verres tendus, on se retourne vers une
voiture bizarre en train de se planter dans nos traces.
Évidemment c'est un Toy, mais qui me dit quelque chose : il a une croix occitane rouge sur les portières. Encore plus bizarre,
les occupants descendent, et au lieu de s'occuper de leur problème, ils nous foncent dessus. Jean-Paul et Sylviane nous sautent
dans les bras. Ils découvrent le Papé dont personne ne leur avait parlé.
Quelle joie de retrouver ces deux-là justement là, en plein périple africain commencé il y a 10 mois. Ils sont à
Agadez depuis une quinzaine, ils avaient les coordonnées de Warta et Raïcha depuis leur départ,
et en prenant contact dès leur arrivée, ils ont appris notre venue au Niger.
Ils ont tenté de venir à notre rencontre, mais ont subi une agression sévère dans la zone d'
Elméki. Un gars leur a tiré dessus. Ils ont rebroussé chemin, et depuis nous attendent à
Agadez.
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La rencontre a été organisée par Raïcha, ils se sont planqués dans les matitis au bord de l'oued, et quand Warta tout à l'heure
a donné l'impression de s'encoubler dans les fourrés, en fait il est tombé sur leur cachette, et a dû les contourner pour
préserver le suspens.
Raïcha porte avec elle son nouveau fils adoptif, Sidi. Une de ses cousines est morte en couche, elle et Warta ont décidé de
l'adopter. Il est l'objet de toutes les attentions, et toutes les mères fondent à en faire couler l'oued.
Un méchoui va terminer la saturation des sens... On se prendrait pour Asterix et Obelix en fin d'album avec des plats de
sangliers partout. Quelle arrivée à
Agadez !